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Les dirigeants européens et africains se sont retrouvés jeudi à Bruxelles au premier jour d'un sommet UE-Union africaine destiné à "réinventer" leur partenariat et affronter des défis communs, quelques heures après l'officialisation par la France et ses alliés de leur retrait du Mali.
Après une courte réunion des Vingt-Sept consacrée aux tensions autour de l'Ukraine, 40 des 55 dirigeants membres de l'Union africaine (UA) se sont réunis avec leurs homologues de l'UE pour le 6e sommet des deux organisations.
"L'Afrique est en pleine mutation, elle a beaucoup changé (...) Plus qu'une mise à jour du logiciel, nous proposons d'installer ensemble un nouveau logiciel adapté aux mutations en cours", a expliqué le président de l'Union africaine, le Sénégalais Macky Sall, appelant à "un nouveau départ".
"Nous devons réinventer la relation", a reconnu le président français Emmanuel Macron. Une déclaration commune a été finalisée jeudi, selon une source diplomatique. Elle sera adoptée vendredi à l'issue du sommet, accompagnée d'une liste de projets concrets, dont une constellation de satellites lancée par l'UE pour élargir l'accès à l'internet en Afrique.
L'UA a suspendu le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Soudan après des coups d'Etat. La junte au pouvoir à Bamako a contraint la France et ses partenaires européens a officialiser jeudi leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antijihadiste.
"La lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains", a averti Macky Sall, tout en disant "comprendre" cette décision.
L'UE va vérifier "d'ici quelques jours" si les conditions et les garanties sont remplies pour le maintien au Mali de ses deux missions de formation militaire (EUTM) et policière (EUCAP), a réagi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
L'instabilité du continent africain est également alimentée par "les nouveaux acteurs" chinois et russes "dont les méthodes et les agendas sont très différents des nôtres", a-t-il souligné.
Les agissements dans plusieurs pays africains des mercenaires du groupe privé Wagner, dirigé par des hommes proches du Kremlin --ce que Moscou dément--, "sont un exemple des efforts de déstabilisation de la Russie dans des régions qui sont importantes pour l'UE", souligne un responsable européen.
- Soutien sur le climat -
Sur le continent africain, riche en matières premières, les grandes puissances, Chine en tête, se livrent à une lutte d'influence.
"L'Afrique est courtisée, elle a le choix de ses partenaires", fait-on valoir à Bruxelles, qui entend proposer un partenariat "innovant" et "respectueux" des pays africains. Critiqués par des ONG, les Européens assurent qu'il n'est "pas question d'évacuer les sujets de respect de l'Etat de droit et des droits humains".
La lutte contre la pandémie est une autre priorité. Seulement 11% de la population du continent africain est entièrement vaccinée. L'UE a donné 150 millions de vaccins à l'Afrique et va poursuivre cet effort. Elle soutiendra aussi la création de centres de production de vaccins au Sénégal, au Rwanda, au Ghana et en Afrique du Sud.
Les Européens veulent également lancer une stratégie globale d'investissements dotée de 150 milliards d'euros sur sept ans pour "aider des projets voulus et portés par les Africains".
"Nous devons revoir la méthode (...) S'il y a un échec du continent africain, le premier à en pâtir sera le continent européen", a expliqué Emmanuel Macron.
Paris s'est engagé à réallouer aux pays africains 20% de ses "droits de tirage spéciaux" (DTS) -- des titres créés par le Fonds monétaire international (FMI) et alloués aux Etats qui peuvent les dépenser sans s'endetter.
Alors que la France appelle les pays riches à faire de même, Macky Sall a demandé jeudi "l'appui de l'Europe pour accélérer ce processus", alors que la pandémie plombe des économies africaines "structurellement faibles".
Le climat et l'énergie sont jugés prioritaires par les Africains: le président des Seychelles Wavel Ramkalawan a rappelé "la vulnérabilité" de son pays insulaire face au changement climatique.
Pour Macky Sall, l'Afrique "n'est pas responsable du réchauffement climatique": défendant le recours aux énergies fossiles, il a réclamé "un accompagnement sur une période de transition (...) qui permette de donner de l'électricité aux 600 millions d'Africains qui n'en ont pas encore", soit environ la moitié de la population du continent.
(L.Kaufmann--BBZ)