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Le M23 soutenu par le Rwanda et son armée a pénétré mardi dans les faubourgs d'Uvira, ville stratégique de l'est de RDC située aux portes du Burundi voisin, mettant à mal un accord "pour la paix" récemment signé sous les auspices de Washington.
Cette nouvelle percée du groupe armé antigouvernemental M23 et ses alliés rwandais intervient près d'un an après l'offensive éclair qui leur avait permis, entre janvier et février, de s'emparer des deux grandes villes de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), Goma et Bukavu.
Depuis mars, le front s'était relativement stabilisé et des pourparlers avaient été engagés ces derniers mois. Jeudi dernier, le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame ont ratifié à Washington un accord visant à mettre un terme au conflit et qualifié de "miracle" par le président américain Donald Trump.
Le texte prévoit une contrepartie économique promettant d'assurer à l'industrie de pointe américaine un approvisionnement en minerais stratégiques. L'Est congolais, région frontalière du Rwanda et en proie à des conflits depuis trente ans, est riche en ressources naturelles.
Mardi soir, les combattants du M23 soutenus dans l'est de la RDC par 6.000 à 7.000 soldats rwandais, selon des experts de l'ONU, sont entrés par le quartier nord d'Uvira appelé Kavimvira, selon des sources sécuritaires et militaires.
Plus tôt dans la journée, la ville enclavée entre des montagnes et le lac Tanganyka avait déjà commencé à se vider, habitants, soldats, policiers et personnels administratifs fuyant devant la menace.
Plus de 30.000 Congolais ont fui les combats et sont arrivés au Burundi en une semaine, selon un responsable administratif local burundais et une source onusienne. "Ces réfugiés congolais manquent de tout, on n'a pas de quoi les nourrir, les soigner", a déploré le responsable local.
Des bombardements ont résonné au cours de la journée au-dessus d'Uvira, semant la panique dans les rues: "C'est le sauve-qui-peut", a dit un habitant joint par téléphone. "Nous sommes tous sous les lits à Uvira, c'est ça la réalité", a décrit un autre.
- "Chaotique" -
Des colonnes de soldats congolais, dont certains ont abandonné armes et uniformes, ont fui la ville, se dirigeant vers le sud du pays à bord de véhicules réquisitionnés à des civils ou même à pied, selon des sources militaires.
D'autres ont tenté d'emprunter un bateau sur le lac, la cohue au port local créant des tensions. Des tirs désordonnés ont été entendus.
Certains soldats ont pillé magasins et pharmacies sur leur passage, arrachant même des téléphones aux mains des habitants, selon des témoins et des sources militaires. Plusieurs centaines de soldats congolais et burundais avaient déjà quitté les combats lundi et traversé la frontière pour se réfugier au Burundi.
Le M23 et les troupes rwandaises ont lancé l'offensive le 1er décembre, plusieurs sources sécuritaires signalant alors d'"importants mouvements de troupes" avec notamment l'arrivée de renforts rwandais au cours des deux dernières semaines.
Partant de la localité déjà sous contrôle de Kamanyola, ils ont surpassé une armée congolaise réputée mal organisée et en infériorité technologique, même si épaulée dans cette zone par des milliers de soldats burundais.
Le Burundi, qui entretient des relations houleuses avec le Rwanda depuis des années, est présent dans l'est de la RDC depuis 2023. Avec au départ 10.000 soldats déployés, l'armée burundaise compte actuellement quelque 18.000 hommes sur le sol congolais, selon une source sécuritaire.
Située sur la rive nord du lac Tanganyika, Uvira fait face à la capitale économique burundaise Bujumbura, les deux villes étant distantes d'une vingtaine de km.
La prise de cette cité par le M23 donne une dimension régionale à la crise et constitue une menace directe aux yeux du Burundi, le coupant totalement du territoire de la RDC.
Des sources diplomatiques européennes contactées par l'AFP ont toutefois minimisé mardi les chances que le M23 étende son offensive sur le territoire burundais.
Le président du Burundi Evariste Ndayishimiye avait été parmi les premiers à mettre en garde, tout comme l'ONU, contre le risque que le conflit dans l'est de la RDC ne tourne en guerre régionale dans les Grands Lacs après l'offensive d'ampleur du M23 en début d'année.
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(B.Hartmann--BBZ)